LE VERRIER (U. J. J.)

LE VERRIER (U. J. J.)
LE VERRIER (U. J. J.)

Le Verrier est une des plus importantes figures de la mécanique céleste au XIXe siècle. La brillante découverte qu’il fit, par le calcul, de la planète Neptune a frappé l’imagination du grand public en montrant la puissance de la science. L’entreprise colossale que fut la construction de théories complètes des mouvements des planètes contribua à assurer durablement la place éminente que les Français avaient conquise dans le domaine de la mécanique céleste depuis Clairaut, d’Alembert, Lagrange et Laplace. Enfin, le rôle que joua Le Verrier dans le développement de l’Observatoire de Paris permit à cet établissement de devenir le centre de recherche de premier ordre qu’il est toujours resté.

Éléments biographiques

Urbain Jean Joseph Le Verrier naît le 11 mars 1811 à Saint-Lô, de Louis Baptiste Le Verrier, surnuméraire dans l’administration des Domaines, et de sa femme Marie-Jeanne, née de Baudre. Élève au Vieux-Collège de Saint-Lô, au Collège royal de Caen puis au collège Louis-le-Grand à Paris, il entre à l’École polytechnique en 1831. D’abord ingénieur dans l’administration des Tabacs, il s’intéresse ensuite à la chimie et se livre à de nombreuses expériences dans le laboratoire de Gay-Lussac; il publie deux mémoires sur les composés du phosphore. Ayant obtenu en 1837 à l’École polytechnique une place de répétiteur de géodésie et d’astronomie, il se tourne définitivement vers la mécanique céleste. Rendu célèbre par sa découverte de Neptune, en 1846, il se voit confier en 1854 la direction de l’Observatoire de Paris, dont il va faire un établissement scientifique réputé. Il s’y livre à des travaux de construction de théories planétaires, mais son caractère autoritaire et ses façons hautaines lui aliènent la sympathie de ses collègues et de ses subordonnés. Les conflits deviennent si aigus que Le Verrier est révoqué par un décret impérial de février 1870. Il est remplacé par son rival Charles Delaunay, lui aussi spécialiste éminent dans le domaine de la mécanique céleste et auteur d’une célèbre théorie du mouvement de la Lune. Delaunay meurt noyé à Cherbourg en 1872; en 1874, Le Verrier est replacé à la tête de l’Observatoire; mais un nouveau statut, prévoyant l’existence d’un conseil scientifique aux pouvoirs étendus, protège désormais le personnel contre les humeurs du directeur. Le Verrier dirigera l’Observatoire jusqu’à sa mort, le 23 septembre 1877.

Député de la Manche en 1849, sénateur sous l’Empire, président du Conseil général de la Manche, Le Verrier avait été élu membre de l’Académie des sciences et du Bureau des longitudes en 1846 et nommé cette même année à la chaire de mécanique céleste de la faculté des sciences de Paris, chaire créée pour lui.

La découverte de Neptune

La planète Uranus avait été découverte en 1781 par William Herschel et observée constamment depuis lors. On s’aperçut ensuite que des observations en avaient été faites antérieurement par des astronomes qui l’avait prise pour une étoile fixe, si bien que l’on disposait de données nombreuses, dont certaines remontaient à 1690. Alexis Bouvard, ancien assistant de Laplace, entreprit en 1821 de calculer des tables du mouvement d’Uranus en tenant compte des perturbations par les planètes connues. Mais il lui fut impossible de représenter convenablement les observations. Il décida alors de ne conserver que celles qui avaient été faites après 1781. Bouvard écrivait: «Je laisse au temps le soin de faire connaître si la difficulté tient réellement à l’inexactitude des observations anciennes, ou si elle dépend de quelque action étrangère et inaperçue, qui aurait agi sur la planète.» Cependant, Uranus s’éloignait de plus en plus des positions prévues, l’écart atteignant près de 2 minutes d’angle en 1845.

Depuis 1837, Le Verrier s’intéressait à la mécanique céleste; il avait présenté à l’Académie des sciences des mémoires remarqués sur la variation séculaire des orbites des planètes, sur le mouvement de Mercure, sur les comètes, etc. Sa réputation était telle que François Arago, alors directeur de l’Observatoire, lui proposa de traiter le problème. Le Verrier supposa l’existence d’une planète inconnue qui provoquerait les écarts jusqu’ici inexplicables entre les positions observées et calculées de la planète Uranus. Il partit d’hypothèses vraisemblables: demi-grand axe de l’orbite obéissant à la relation empirique dite de Titius-Bode, c’est-à-dire double de celui de l’orbite d’Uranus, excentricité et inclinaison nulles, maximum des perturbations observées sur Uranus correspondant à une conjonction des deux planètes avec le Soleil. Il établit alors les équations reliant les variations des éléments de l’orbite d’Uranus aux éléments de l’orbite de la planète inconnue; à chaque observation correspondait une équation et, en résolvant le système, il obtint les éléments de l’orbite de l’hypothétique planète. Il lui fut alors facile d’en déduire la position géocentrique de la planète à une date quelconque. Le mémoire présenté le 31 août 1846 à l’Académie des sciences par Le Verrier rencontra un certain scepticisme et de vagues observations furent faites mais vite abandonnées. Le Verrier écrivit alors le 18 septembre à Johann Gottfried Galle, astronome à l’Observatoire de Berlin. Galle reçut la lettre le 23 septembre; le soir même, aidé du jeune astronome Henri d’Arrest qui suggéra de comparer le champ avec une nouvelle carte établie par Carl Bremiker, il trouva la nouvelle planète à 52 minutes d’angle de la position prévue par Le Verrier, à qui il écrivit le 25 septembre la lettre restée fameuse: «Monsieur, la planète dont vous nous avez signalé la position réellement existe...»

Le retentissement de cette découverte fut immense, d’autant plus qu’elle s’accompagna d’une controverse. En effet, on apprit que le jeune astronome anglais John Couch Adams était parvenu au même résultat plus tôt que Le Verrier; mais l’astronomer royal George Biddell Airy n’avait pas jugé bon de regarder de près le travail que lui soumettait un astronome aussi jeune et n’avait pas fait faire les observations décisives qui auraient permis la découverte de la planète.

Les théories planétaires

L’application de la loi de la gravitation universelle aux corps du système solaire avait produit au cours du XVIIIe siècle et au début du XIXe les nombreux et brillants travaux de Clairaut, d’Alembert, Lagrange, Euler, Laplace... Des tables établies par Bouvard, Jean-Baptiste Delambre, Joseph-Jérôme Lefrançais de Lalande ou Bernhard August von Lindenau servirent à calculer les éphémérides jusqu’au milieu du XIXe siècle, mais aucune théorie globale complète des mouvements dans le système solaire n’avait été entreprise. Le Verrier se mit à la tâche et parvint à représenter les longitudes, latitudes et rayons vecteurs de chaque planète en séries composées, d’une part, de termes dits séculaires, polynômes du temps et, d’autre part, de termes périodiques, sinus ou cosinus de combinaisons linéaires des longitudes moyennes de la planète considérée et des planètes perturbatrices. Certains termes, dits mixtes, sont des produits de puissances du temps par des termes périodiques. Pour effectuer ses calculs, Le Verrier développa tout d’abord les fonctions perturbatrices sous forme algébrique; en supposant petites les excentricités des orbites osculatrices et les inclinaisons mutuelles des orbites, il poussa les développements à l’ordre sept de ces petites quantités. Si l’on se représente les moyens de calcul de l’époque, on imagine l’ampleur de la tâche. Les tables des mouvements de Mercure, de Vénus, de Mars et de la Terre (ou plutôt du Soleil relativement à la Terre) parurent entre 1858 et 1861 dans les Annales de l’Observatoire de Paris . Les tables de Jupiter, de Saturne, d’Uranus et de Neptune furent publiées entre 1904 et 1913 dans ces mêmes annales après que la théorie eut été complétée par Aimable Jean-Baptiste Gaillot.

La comparaison de la théorie avec les observations permit à Le Verrier de déterminer les constantes d’intégration du mouvement. Il ne put cependant jamais expliquer d’une façon satisfaisante un résidu de 38 secondes d’angle par siècle dans l’avance du périhélie de Mercure, et imagina même l’existence d’une planète située entre le Soleil et Mercure qui aurait rendu compte du phénomène. Il n’arriva à aucune solution convaincante à partir de cette hypothèse; la clé de l’anomalie du mouvement de Mercure ne devait être livrée que par la théorie de la relativité générale, en 1915.

Le Verrier et l’Observatoire de Paris

Fondé en 1667, l’Observatoire de Paris eut pour premier directeur Jean-Dominique Cassini, brillant astronome auteur de nombreuses découvertes, qui eut ses descendants pour successeurs jusqu’à la Révolution.

En 1795, la Convention créa le Bureau des longitudes et lui confia la direction de l’Observatoire. De nombreux administrateurs se succédèrent, dont Arago fut le plus actif. En 1854, Le Verrier, qui avait établi un rapport sur l’Observatoire dans lequel il préconisait l’autonomie de l’établissement et le changement de ses statuts, en fut nommé directeur. Il développa considérablement les activités de l’établissement, où il créa, en particulier, un service de diffusion de l’heure exacte (il ne s’agissait pas encore d’horloge parlante!) et un service d’observations météorologiques permanentes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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